L’après Cofinoga

Caroline Soriano et Isabelle Ringeisen, ex-cadres de l’entreprise, ont changé de métier. Portraits croisés de deux nouvelles commerçantes épanouies

A les regarder sourire, s’enthousiasmer en racontant leur nouvelle vie, on a dû mal à les imaginer il y a tout juste un an et demi. Début 2012.Le coup de massue tombe. Cofinoga, une des plus grosses entreprises privées de l’agglomération avec ses 2 400 salariés, annonce vouloir se séparer de près de 400 salariés sur son site de Mérignac.

Isabelle Ringeisen y travaille depuis dix-sept ans, Caroline Soriano Vingt ans. Pas n’importe quel poste. Elles sont cadres dans deux services respectifs après avoir gravi les échelons dans la société spécialisée dans les crédits à la consommation.

8 juin2012 : ouverture officielle du plan de départs volontaires. Caroline Soriano est dans la longue file d’at- tente des salariés se présentant au guichetà8heures.«Cela faisait longtemps que j’avais mûri mon projet», raconte-t-elle. À 46 ans, la responsable marketing rêve de devenir fleu- riste. Cela lui trottait dans la tête de- puis de nombreux mois. Vingt jours plus tard, elle quitte l’entreprise, suit une formation et ouvre en octobre Oya Fleurs, rue Judaïque à Bordeaux où elle emploie une personne à plein temps.«J’ai choisi une franchise, car je ne me sentais pas de me lancer toute seule. J’ai un support au quotidien ». Isabelle Ringeisen, 47ans, elle a attendu le soir du 8 juin pour se présenter au guichet. Avec l’impression d’avoir fait son temps dans l’entre- prise, son projet est mûr pour elle aussi.«Soit je partais à Paris pour suivre ma carrière, soit je m’investissais localement, explique-t-elle. J’ai choisi la deuxième option. »

Risqué ? Et alors !

Elle songe d’abord à prendre la tête d’une petite PME, ne trouve pas chaussure à son pied, puis tombe sur un boutique de thés et cafés à vendre au centre de Pessac, ville où elle ha- bite depuis quinze ans. Fin juillet 2012, elle est chez le no- taire pour officialiser la reprise de Chabei. Elle aime le thé, ne connaît pas particulièrement son univers commercial, mais apprend tout, sur le tas et s’appuie sur l’aide de l’em- ployée de la boutique qu’elle garde avec elle. L’angoisse de changer de vie professionnelle?«Plutôt une excitation folle », lance Isabelle. « Je ne me suis jamais posé la question. Je voulais aller jusqu’au bout », avance Caroline. « Nous avons pris des risques c’est certain. Mais dans notre ancien boulot, dans la grande entreprise, nous en prenions aussi », remarquent-elles.

Moins de revenus

Aujourd’hui, Isabelle et Caroline n’arrivent pas encore à tirer un revenu de leur activité. « Je gagne cinq à six fois moins que dans mon ancienne vie, confie la responsable de Chabei. Et alors? Ce nouveau défi est pour moi plus motivant que de me construire une piscine! »

«Je travaille pour moi et pour quelque chose qui me plaît, raconte la nouvelle fleuriste. Il n’ya pas un matin où je me lève et où je regrette ce choix. Contrairement à ce qu’on peut penser, tous ceux qui sont partis de Cofinoga, ne l’ont pas fait pour de l’argent mais pour donner du sens à leur parcours. » Le regard des autres, en revanche, leur a beaucoup appris. Anciennes de Sciences Po et d’HEC (école des hautes études commerciales), les deux ex-cadres, au parcours professionnel exemplaire, aujourd’hui commerçantes, disent avoir senti une certaine pression de la société. «Passer de responsable marketing à fleuriste, il y a quelque chose qui cloche pour certains, témoigne Caroline. Mais ce bagage m’aide tous les jours dans mon nouveau métier. » 


// Aides à la reconversion, leur mode d’emploi // 

Les deux salariées avaient anticipé le plan de départs volontaires

En cas de licenciements économiques ou d’un plan de départs volontaires (PDV) dans une entreprise, des aides spécifiques existent pour les salariés souhaitant reprendre ou créer une entreprise. Outre leurs indeminités de départ, Isabelle Ringeisen et Caroline Soria- no ont tout d’abord touché une prime spécifique de la part de leur employeur en vue de leur projet, puis ont pu bénéficier d’aides pour reprendre ou créer une entreprise. Difficile de toutes les lister. Chacune témoigne.

Caroline: «Merci l’Apec !»

«J’avais contacté l’Apec (Agence pour l’emploi des cadres) bien en amont pour voir avec eux si mon projet de franchise de fleurs tenait la route. Je suis tombée sur une personne très compétente qui m’a fait passer des entretiens pour savoir si j’étais prête à devenir fleuriste et m’a donné des pistes sur les dispositifs de soutien à la création d’entreprise. Merci à l’Apec, vraiment! Sans eux, je n’aurais pas pu autant avancer en amont du PDV. Le consultant d’Altedia (cabinet de reclassement choisi par Cofinoga) m’a également bien épaulée pour connaître les aides aux quelles j’avais droit. Je touche notamment 45% de mes allocations chômage auxquelles j’aurais eu droit dans le cadre de mon départ de Cofinoga. Ce verse- ment est mensuel et peut durer quinze mois. Mais j’ai galéré pour l’obtenir auprès de Pôle emploi.»

Isabelle: «Savoir où aller »

«J’ai opté pour un versement en deux fois de ces 45% des allocations chômage. Je bénéficie aussi de baisse de charges sociales et j’ai pu, à titre personnel, profiter d’une aide de 6000 euros de l’Agefiph (Association de gestion de fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) car je souffre d’un problème de santé. J’ai fait beaucoup de démarches moi-même mais je savais où je voulais aller. Le cabinet de reclassement chez Cofinoga m’a plutôt mis des bâtons dans les roues alors que tout était déjà calé avec les banques pour mon prêt. En revanche, le personnel de Pôle emploi a toujours répondu présent par rapport aux questions que je me posais. Comme quoi, selon l’interlocuteur qu’on a face à soi ou au bout du fil, le contact humain n’est pas le même. Cela peut se passer très différemment d’une personne à l’autre.»


LAURIE BOSDECHER  l.bosdecher@sudouest.fr