Le baromètre de l’intérim

Variable d’ajustement du marché du travail, l’intérim subit aujourd’hui les effets de la crise même si certains secteurs, plus qualifiés, font appel à ce type de main d’oeuvre



L’intérim est sans doute l’un des meilleurs baromètres de la météo de l’emploi. Il souffre quand le marché est morose, il reprend des couleurs quand le marché retrouve le sourire. 

« C’est la variable d’ajustement du marché du travail » explique Lionel Tardivier, gérant de l’agence Profil Emploi localisée à Mérignac et à Lormont. « Quand une entreprise est en difficulté, les premiers contrats qu’elle résilie avant un éventuel plan social, ce sont les contrats d’intérim. Mais, à l’inverse, l’intérim est aussi le premier indicateur d’une reprise. » Il n’est donc pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que l’intérim est, actuellement, au creux de la vague. Selon le baromètre Prisme, calculé sur les chiffres de plus de 600 entreprises de ce secteur, l’intérim a reculé en un an de 12,6% au niveau national. 

La Région Aquitaine est moins mal lotie que le pays puisque le recul, comptabilisé entre mars 2012 et mars 2013, est de 7,4%. Mais la Gironde, elle, se situe entre ces deux taux à - 10,2%.

« Globalement, la moyenne est en effet négative », précise Lionel Tardivier. Mais, à l’intérieur de cette spirale négative, il y a néanmoins des secteurs positifs. Ceux qui requièrent de la qualification. En Gironde, on peut citer par exemple le tertiaire qualifié comme l’informatique ou la comptabilité. L’aéronautique et l’agroalimentaire sont deux autres secteurs consommateurs d’emplois intérimaires ainsi que la logistique, « Bordeaux étant un carrefour pour ce secteur » souligne le gérant de Profil Emploi. « Le secteur recherche des manutentionnaires et des chauffeurs » poursuit-il en précisant que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le métier de chauffeur exige une qualification, fût-elle moindre que dans d’autres secteurs professionnels. 


L’évolution du métier

Pas de surprise en revanche sur les métiers où l’intérim effectue un vrai plongeon. Ce sont bien sûr ceux du bâtiment et des travaux publics. En Aquitaine, le recul dans ce secteur est de - 15,6% sur un an. Le travail en intérim a, en tout cas, connu une vraie évolution depuis les lois de 2005 puis de 2009 qui ont changé le statut des agences d’intérim. Celles-ci sont désormais des agences d’emploi, évoluant sur le même créneau que Pôle emploi. « Nous avons élargi nos services, précise Lionel Tardivier. Et nous sommes encore plus proches des entreprises et de leurs besoins. Pour nous, cette activité est un vrai moteur de croissance. »

Profil Emploi a ainsi déjà proposé mille emplois à mille personnes différentes, souligne son gérant.

 « En fait, poursuit-il, l’intérim devient un vivier de candidats que les entreprises peuvent tester avant de leur proposer un éventuel CDI. Car le CDI reste bien sûr l’objectif ultime. Même si l’intérim est un passage intéressant qui permet, surtout aux jeunes, de découvrir le monde du travail, cela reste une situation précaire. » L’intérim n’est en tout cas plus seulement réservé aux jeunes qui veulent accéder à ce monde du travail, et n’est plus l’apanage du privé, précisément depuis 2009. « Le public fait appel à nos agences pour trouver du personnel. Cela s’est déjà produit avec Pôle Emploi » explique Lionel

Tardivier.

Lequel se dit pessimiste sur les prochaines statistiques de l’intérim. « L’inversion de la courbe du chômage me paraît très improbable pour 2013. L’intérim va donc rester en dessous de ce qu’il a pu faire les années précédentes. »

B. L.



// TROIS QUESTIONS À …YOHAN DAVID, Conseiller municipal de Bordeaux, délégué à l’emploi, à l’économie sociale et solidaire. // 


1/ Que peut faire une mairie pour favoriser l’emploi sur son territoire ?

Les élus ont pour mission de fédérer et d’optimiser les énergies. Notre rôle, c’est bien sûr de connaître d’abord tous les outils qui existent dans le domaine de l’emploi. Mais notre action principale, c’est de faire du relationnel, d’être l’interface entre tous les acteurs de l’emploi, qu’ils soient institutionnels ou non. Cela va de la sollicitation de l’artisan-boulanger qui a du mal à recruter à une entreprise plus importante qui a des difficultés administratives et nous demande un coup de pouce. Je veux d’ailleurs souligner à ce sujet que nous avons, en France, la chance d’avoir une administration remarquable dans le secteur de l’emploi et qui ne fonctionne pas toujours avec d’énormes moyens. J’ajoute enfin qu’une ville a toujours en tête d’investir et de créer de l’activité économique parce que cela génère forcément de l’emploi. La Cité des civilisations du vin et l’activité qu’elle va générer autour, cela représente environ 1 100 emplois créés.


2/ La ville de Bordeaux se distingue par le nombre de ses clauses d’insertion.

En 2007, la ville de Bordeaux était parmi les derniers de la classe. Nous avons rattrapé notre retard et nous sommes presqu’à la hauteur du Conseil général qui est un des principaux donneurs d’ordre du département. Les clauses d’insertion, c’est permettre à des jeunes peu ou pas qualifiés d’entrer dans le monde du travail. À Bordeaux, la construction du Grand stade est critiquée, voire attaquée par certains. L’aspect sportif de l’équipement ne m’intéresse pas. Moi, ce que je vois c’est que le Grand stade donne du travail à 120 jeunes en demande d’insertion.


3/ L’emploi est-il le principal thème abordé par les Bordelais auprès de leurs élus ?

Dans les permanences, il y a toujours les gens qui viennent râler parce qu’il y a un trou dans le trottoir mais cela fait partie du travail de proximité des élus. L’emploi et le logement restent évidemment les deux thèmes qui reviennent le plus dans les préoccupations de nos concitoyens. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau. C’était déjà le cas avant la crise de juin 2008. Cela s’est néanmoins aggravé. J’avoue qu’il m’arrive de me sentir démuni quand tombent les statistiques du chômage. J’ai parfois l’impression d’écoper avec une cuiller à café.